Un poteau frontière devant les lignes :
En décembre 1914, en Picardie, la ligne de bataille semble fixée pour de longs mois et ne subira que des changements sans importance.
Le soldat français s'est résigné à creuser des tranchées, à vivre enterré et à épier par quelques petits trous les moindres mouvements de l'ennemi.
L'hiver approche ; il est maintenant entendu que nous le passerons en guerre, il faut donc s'organiser en conséquence.
Des deux côtés on fera de même, aussi un calme complet règnera pendant quelque temps dans le secteur du Régiment Dans la région de FAY.
Puis nous assisterons à l'innovation de quelques moyens de combat : lancement dans la tranchée ennemie de projectiles chargés d'explosifs et guerre de mines, guerre meurtrière qui augmentera la fatigue des hommes en leur imposant une attention soutenue.
A un moment donné cette tranquillité relative avait pu faire croire aux Allemands que la guerre allait se terminer là et que la nouvelle frontière suivrait à peu de chose près la ligne de bataille.
Bel espoir à caresser, mais quelle erreur !
C'est avec cette idée qu'un beau soir que des soldats Allemands placèrent entre les deux lignes, mais bien plus près de la leur que de la nôtre, un superbe poteau de bois, ayant d'un coté les couleurs françaises, et de l'autre les couleurs allemandes.
Impossible d'en douter, c'était bien un poteau frontière qu'ils avaient planté en avant du front de la 8e Compagnie à Fay.
Au matin, quand les soldats l'aperçurent, leur rage fut grande. On ne pouvait le laisser. Mais comment faire ?
Aller le chercher était chose dangereuse vu que la distance de notre ligne au poteau était d'au moins trois cents mètres et qu'aucun mouvement de terrain ne permettait de se mettre à l'abri.
Cependant le soldat Nolin résolut de mettre le projet à exécution. Au risque de se faire tuer par une balle française, il quitta la tranchée en rampant, se dirigea vers le poteau. Il put l'atteindre et l'arracher mais un peu de bruit avait donné l'éveil à la sentinelle allemande. Aussitôt vive fusillade. Nolin ne perd pas son sang-froid, légèrement protégé par la demi-obscurité, il rampe à nouveau vers les lignes françaises.
Ainsi fut ramené le poteau frontière. Tous les camarades admirèrent son sang-froid, son beau courage, et lui firent un accueil triomphal.
L'insolence boche avait eu la réplique française.
En visitant la Tranchée de Fay, vous trouverez ce même poteau frontière planté dans le no man's land !
Ou du moins, un poteau très ressemblant